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Les photographies des correspondants de "L’Humanité" : des négatifs en quarantaine ?

Vincent Lemire, Yann Potin

Le 22 mai 2008 2008 à 14 heures 30 -

Amphithéâtre

Résumé

Le corpus iconographique institué par les acteurs-mémorialistes de Mai-Juin 68, utilisé ad nauseam depuis quatre décennies par les différents supports médiatiques, n’a curieusement jamais fait l’objet d’un véritable bilan critique de la part des historiens. Malgré la saturation éditoriale sur le sujet, la « mise en images » de l’événement-68 reste marqué par un strabisme récurent : héroïsation de quelques figures de proues ; dramatisation surjouée des combats urbains ; réduction, au final, de l’événement, à quelques gestes simplificateurs (le lancé de pavé, par exemple), censés précipiter le sens et la portée de luttes pourtant éminemment polyphoniques.

Les quelques 5000 clichés pris par les correspondants bénévoles du journal L’Humanité tout au long des évènements, au cœur des usines occupées et souvent en marge des espaces les plus médiatisés, autorisent un salutaire « pas de côté » et permettent de lever le voile sur une réalité que l’histoire sociale appréhendait depuis longtemps : les journées de Mai-Juin 68 se sont aussi — surtout ? — jouées dans l’espace des usines, même si la mémoire ouvrière n’a pas connu le même succès d’estime que la geste estudiantine. Il s’agit donc ici, à l’occasion de ce quarantième anniversaire dont on mesure déjà qu’il ne ressemblera pas à ceux qui l’ont précédé, de lever la quarantaine imposée depuis longtemps aux « images sans qualité » des correspondants de L’Humanité. De combler le retard, en somme, d’une iconographie encore largement bégayante face à une historiographie, elle, profondément renouvelée.

Cette exhumation iconographique, loin de donner à voir une réalité bifrons dans laquelle chacun des deux théâtres s’ignoreraient l’un l’autre, permet au contraire d’appréhender l’événement dans sa globalité et sa complexité, à partir d’un questionnement centré autour de la notion d’événement « photographique », et non plus seulement
« photographié ».