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Présentation

Pris depuis quarante ans entre captation d’héritage, travestissement et refoulement, entre mythification et délégitimation, l’événement Mai 68 a sans cesse été abordé dans les logiques conflictuelles de la commémoration (comme origine d’une modernité culturelle ou promesse d’émancipation) et de la dénonciation (comme signe d’une époque révolue ou de l’errance d’une génération). Dans un cas comme dans l’autre, la mémoire qu’il fallait garder s’imposait au détriment de l’histoire qu’il fallait faire, et la promotion en modèle (ou contre-modèle) se substituait à l’analyse des effets produits par l’événement et à la réflexion sur ses usages.

Même si plusieurs ouvrages proposant un état de la recherche sur Mai 68 paraissent cette année, et même s’ils contribuent à nourrir la connaissance historique et sociologique, l’essentiel de la vague éditoriale qui s’impose dans les librairies, les revues, les magazines et à la télévision reste d’ordre commémoratif, et elle confirme le primat accordé à l’essai et au témoignage plutôt qu’à la réflexion sur les processus qui traversèrent l’événement et conduisent jusqu’au présent.

Pour se soustraire à ces batailles de mémoire, il n’est donc pas inutile de proposer des perspectives d’analyse rigoureuses qui ne saisissent pas Mai 68 simplement comme un événement mais aussi comme un processus affectant un contexte, qui ne l’évaluent pas seulement du point de vue des principes (ou de « l’esprit ») dont il est censé s’être réclamé mais également du point de vue de ses effets.

Ce colloque associe plusieurs disciplines qui ont rarement été convoquées ensemble à ce propos. En revenant sur les effets philosophiques, sociaux et politiques, littéraires et artistiques de Mai 68, il se donne pour objectif d’en tracer les suites effectives et constatables, en associant la sociologie, l’histoire, les sciences politiques, les études littéraires, la sociologie de l’art et la philosophie.

L’enjeu de cette rencontre est d’analyser des répercussions concrètes sur nos manières actuelles de penser, d’agir et de créer. Il est aussi de prendre la mesure d’un fait souvent inaperçu : les regards croisés de la science politique, de la sociologie, de l’histoire des idées et de l’action artistique ne fournissent pas seulement les outils intellectuels pour évaluer les effets de Mai 68 dans l’espace social et dans le champ de la pensée contemporaine ; ils en sont à bien des égards également les résultats.

A cette fin, les ressources distinctes et les spécialisations complémentaires de trois laboratoires de l’ENS LSH sont mobilisées : Triangle, avec ses compétences en science politique et en sociologie, le Cerphi, avec ses méthodes d’histoire des idées, de contextualisation des débats et d’analyse des controverses qui structurent le champ intellectuel, et le CEP, avec sa vocation d’expérimentation poétique et d’engagement dans la création contemporaine. Cette complémentarité s’exprime également dans la diversité des modes d’approches de mai 68. Les trois journées sont ainsi centrées successivement sur les effets sociaux et politiques, philosophiques et artistiques de cet événement.

Nous consacrerons une soirée à la projection du film de Jean-Pierre Thorn, Oser lutter, oser vaincre. Un fonds documentaire vidéo sur Mai 68 et ses suites est par ailleurs proposé aux participants en visionnage libre à la vidéothèque de l’École normale supérieure Lettres et sciences humaines.